Mémorial des policiers français Victimes du Devoir

« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »

Jean d’ORMESSON

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Commandant de police

Pierre SCHIMMEL

Victime du Devoir le 25 juin 2009

Département

Seine-et-Marne (77)

Affectation

Sécurité Publique — Lagny-sur-Marne

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Circonstances

Cause du décès

Accident de voie publique, de trajet, aérien ou naval

Tôt dans la matinée du jeudi 25 juin 2009, le commandant de police Pierre Schimmel, cinquante ans, quittait son domicile pour rejoindre le commissariat de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne) où il assurait les fonctions d’adjoint au chef de service.

Vers 8h15, alors qu’il circulait normalement sur la route départementale N°216 entre Mouroux et Pommeuse, monté sur sa moto Suzuki GSX-R, il fut percuté par le conducteur d’une Renault Mégane. L’automobiliste âgé de quarante-quatre ans, qui transportait ses enfants à l’école, effectuait un dépassement dangereux dans une courbe, sans aucune visibilité à l’orée d’un bois, et sans s’assurer de la possibilité de se rabattre. Le choc d’une rare violence fut fatal au motard.

Biographie

Direction d'emploi

Sécurité Publique

Corps

Commandement — Officiers de police

Type d'unité

Unité de Gestion Opérationnelle, de Coordination ou d'Intendance

Né le 10 juillet 1958 à Malzéville (Meurthe-et-Moselle). Marié, père de trois enfants, dont deux issus d’une première union.

Entré dans l’administration en 1981 comme gardien de la paix au 1er arrdt de Paris, puis au service central automobile des voyages officiels.

Nommé inspecteur de police en 1991, et, consécutivement à la réforme des carrières de la police nationale de 1995, devient Lieutenant de police en poste à la sûreté urbaine du commissariat de Pontault-Combault, puis à Chessy (Seine-et-Marne).

Nommé Capitaine de police au commissariat de Mitry-Mory (arrêté paru au JORF n°201 du 31 août 1999) ; puis Commandant de police à Lagny-sur-Marne (arrêté paru auJORF n°193 du 20 août 2005)

Le commandant Schimmel était une personne unanimement appréciée, au parcours exemplaire. Priscilla, sa fille ainée, livre un beau témoignage :

Mon père a passé son enfance et sa scolarité à Liverdun, en Meurthe-et-Moselle, avec son petit frère Pascal et ses parents, Pierre et Marceline.Quelques mois avant son service militaire, il rencontre Sylvie, ma maman. Puis part en février 1978 à Friedrichshafen en Allemagne pour une année. La caserne est loin et les permissions rares. Il écrit tous les deux jours à sa fiancée.

Pas convaincu par le régime alimentaire des militaires, il ramène de ses permissions des conserves de cassoulet et de choucroute qu’il réchauffe sur son fer à repasser !Il finit son service militaire en février 1979 et se marie en juillet de la même année.

Un peu perdu dans son orientation, il avait envisagé d’entrer dans l’armée, comme son père. Mais après son expérience mitigée en Allemagne, il est davantage inspiré par la carrière de son parrain policier et choisi de passer le concours de gardien de la paix en 1981.

Mes parents quittent la province et s’installent en Ile de France. Mon père a 23 ans. Il occupe un poste de stagiaire dans le 1er arrondissement. Lorsqu’il est appelé pour son premier cambriolage avec son coéquipier Alain, autant bleu que lui, c’est la trouille au ventre qu’ils répondent à l’appel et entrent dans l’immeuble pour appréhender les cambrioleurs. Pendant deux ans, il se réveille la nuit en criant « Halte, police »… On devient pas un grand policier du jour au lendemain…

En 1982, il intègre le Service central automobile des voyages officiels. Il s’occupe de la protection des personnalités françaises et étrangères. Il rencontre un nombre incroyable de personnalités et fait des voyages extraordinaires à travers le monde.Et puis en 1985, me voilà, sa première fille.Ma petite enfance a été bercée par les voyages officiels de Franceschi, Chirac, puis Rocard. Mon père était souvent absent, mais il rentrait, triomphant de ses voyages au bout du monde, toujours avec un cadeau et des anecdotes improbables. C’était mon héro.

En 1990, ma petite sœur Alexandra est née.Mon père commence à se lasser de ses missions. Il veut voir autre chose, avoir des responsabilités.Il quitte les VO en 1991 et passe le concours d’inspecteur. Il sort de sa formation avec un très bon classement : 13ème/600. Il rêve de prendre un poste au RAID ou aux mœurs avec ses anciens collègues de Matignon.

Mais après 10 ans loin de sa famille, il décide finalement de prendre un poste de lieutenant au commissariat de Pontault-Combault, où nous avons emménagé en 1988. Il quitte la vie hors du temps qu’il a vécu aux VO pour une vie plus tranquille, plus classique.Notre foyer est heureux. J’ai le souvenir d’une enfance simple où nous allions en forêt chercher des champignons et des châtaignes.Ma sœur, elle, a le souvenir de nos nombreuses visites à Disneyland où elle était perchée sur les épaules de son papa pour assister à la parade. Elle se rappelle également toutes ces fois où elle l’a accompagné à vélo pendant qu’il faisait son footing. Des moments de complicité bien à eux.

Puis il passe le permis moto. Devant l’inquiétude de ma mère, il lui disait avec son casque vissé sur la tête : « Ne t’inquiète pas, je suis prudent ». Et elle répondait « Ce n’est pas toi qui m’inquiète, ce sont les autres ». J’ai entendu cette phrase si souvent. Je ne pensais pas qu’un jour elle prendrait tout son sens…

J’étais extrêmement fière de mon papa et de sa carrière. Pour moi, il était un véritable héro, juste et droit. Il faisait respecter la loi. Mais il ne voulait pas que je parle de son métier. Il avait peur pour nous et je devais dire qu’il était « fonctionnaire » quand on me demandait sa profession.En 1997, il intègre la Brigade de Sureté Urbaine et dirige des enquêtes passionnantes.Notre quotidien est celui des histoires de planques et de traques de criminels.

En 2003 le pire pour nous se produit. Je vais avoir 18 ans, ma sœur 13, et nos parents se séparent. Le couple et la famille se déchirent. Nous nous sentons les premières victimes de ce gâchis. Entre droit de visite, secrets et souffrance, nous sommes tiraillées dans un monde d’adultes où nous ne sommes pas à notre place.

En 2006, il se remarie avec Florence et en 2007 nait son 3ème enfant, Lucas.Tout ce chaos familial ne nous a pas permis de profiter les uns des autres comme il se doit avant ce terrible jour de juin 2009 où il s’est fait percuter par un chauffard.Il paraît qu’il n’a pas souffert…Pour nous, tout s’effondre. Le sol sous nos pieds, le ciel au dessus de nos têtes, mon cœur tout entier.

Notre famille était trop écorchée pour vivre ça. Je n’avais plus de repère parce que la vie n’avait plus de sens après cette tragédie. Comment recoller le puzzle de notre famille qui avait volé en éclats si la mort me vole la moitié des pièces ?Comment donner du sens à tout ça ? Ce père que j’aimais tant qui m’est arraché sans que j’ai pu lui dire au revoir. Sans que je puisse me rappeler la dernière fois que je lui ai dit au revoir.

J’ai toujours été très fière de mon père. C’était un homme juste, droit et sensible. Il n’hésitait pas à porter assistance aux personnes en difficulté en dehors de son service, même si nous étions en famille.Il aimait le sport et la photographie. Il a transmis ses talents à ma sœur.Il aimait apprendre. Il aimait s’occuper de ses enfants. Il aimait la vie.Il avait conscience du danger et voulait que ses enfants sachent se défendre. Il nous a appris la réalité du monde.Il n’aimait pas les conflits et il ne voulait pas qu’on se couche fâché.Il nous a enseigné le respect des règles et le respect des autresEn tant que filles de policier, il voulait que nous montrions l’exemple, comme lui.

L’année dernière, c’était les 10 ans de la disparition de mon papa. Déjà 10 ans.Tout le monde nous dit que la vie continue. Mais c’est faux. Pendant un long moment elle s’arrête. Pendant un long moment on a le cœur qui saigne. Ma sœur dit qu’elle a besoin de parler de lui chaque jour. Que c’est son moyen de faire vivre son souvenir, même auprès de ceux qui ne l’ont pas connu.

Nous devons réapprendre à vivre différemment. Se dire qu’il n’est pas loin, mais pas tout à fait là. Ne plus pleurer en disant son nom mais sourire en regardant le ciel.En 2018, sa première petite fille Emma est née et nous regardons souvent le ciel ensemble.

Sources et références

Entretien avec Priscilla Schimmel — Le Pays Briard du 03/10/2009, “Pommeuse, Mouroux : Poursuivi pour homicide volontaire” — Le Parisien du 19/09/2009, “Six mois de prison avec sursis pour avoir tué un motard” — Le Pays Briard du 19/07/2009, “Un motard tué dans un face-à-face” — Le Parisien du 26/06/2009, “Un policier tué dans un accident”

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  1. Émouvant et touchant, Priscilla. Je n’ai jamais oublié Pierre, qui était un très bon copain, un FLIC, intègre et passionné. Je l’ai connu à PONTAULT, puis CHESSY et pour finir à LAGNY ; je pense encore souvent à lui, à vous, ses filles et Sylvie. Amitiés. Éric M.

  2. Merci à votre papa pour son action pour nous tous. Merci à vous pour ce témoignage poignant. Votre père, notre héros.

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