Mémorial des policiers français Victimes du Devoir

« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »

Jean d’ORMESSON

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Sous-Brigadier — Gardien

Pascal BOUTON

Victime du Devoir le 26 août 2012

Département

Haute-Savoie (74)

Affectation

Sécurité Publique — Annecy

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Circonstances

Cause du décès

Accident de voie publique, de trajet, aérien ou naval

Au cours de la soirée du dimanche 26 août 2012, le gardien de la paix Pascal Bouton est victime d’un accident de la circulation au guidon de sa moto près de la commune de Marigny-Saint-Marcel (Haute-Savoie), alors qu’il se rend à son service.

Éjecté de son engin suite à la collision avec un autre véhicule, il décèdait sur place, malgré l’intervention rapide des secours.

Affecté à l’Unité Cynophile Légère de la Circonscription de Sécurité Publique d’Annecy (Haute-Savoie), il avait cinquante-deux ans.

Biographie

Direction d'emploi

Sécurité Publique

Corps

Encadrement — Application

Type d'unité

Unité de Voie Publique — Service Général

Spécialité

Unité Cynophile

Né le 18 mai 1960 à Charleville-Mézières (Ardennes). Père de deux enfants.

Un texte écrit par sa fille Sandrine :
Papa était devenu grand-père le 19 avril 2012 à 11h précise.

Il a été le premier à venir à la maternité avec des vêtements pour bébé prématuré, c’est qu’il était drôle en plus…

Papa est né le 18 Mai 1960 à Charlevilles-Mézières dans les Ardennes, 3 ème fils d’un fratrie de 6 enfants, c’est le bricoleur de la famille et le clown par la même occasion, son truc c’est la pêche, jouer dans la décharge et mettre des pétards dans la bouche des grenouilles.

Il commence comme tourneur-fraiseur puis descend sur Paris où il rencontre ma mère via la CIBI, sanglier son pseudo il me semble. Il passe son permis moto.

Ils voyagent un maximum, s’installent… et me voilà le 26 Octobre 1985, ma mère sous anesthésie générale c’est mon père qui m’accueillera et choisira mon prénom, chose qu’il aimait me rappeler tous les ans en m’appelant toujours en premier.

C’est au tour de mon frère Vincent d’arriver le 23 Mai 1990.

Une vie normale dans un pavillon à Ozoir-la-Ferrière, où il aimait jardiner, vider le bassin des poissons, donner un coup de mains aux voisins qui finissent par lui demander s’il est au chômage tant ses horaires étaient décalés, le travail de nuit !

On récupère les oiseaux blessés et on les soigne, nous avions une famille de hérissons qu’il aimait bien filmer de nuit et nous aussi par la même occasion en douce, c’était plus drôle au visionnage.

Il a travaillé au commissariat de Pontault-Combault où il adorait s’occuper de ses chiens, il y va d’ailleurs avec nos chiens pour les faire courir. Mais son rêve, c’est de venir s’installer en Haute-Savoie et pêcher dans le lac d’Annecy, ce qui sera fait en 1996 juste après le séisme d’Annecy.

Avant ce départ, je me souviens d’avoir fait une fête avec mes copains du collège, toute la classe était venue et mon père est passé pendant son service pour nous surveiller. Les garçons étaient comme des fous « c’est une vraie arme monsieur, mais vous êtes un vrai policier, wouaaaaaaaa »

Papa ne parlait pas trop de son métier sauf quand ça devenait trop lourd je pense et tentait souvent, trop souvent de nous protéger. En rentrant de soirée je savais qu’il pouvait me présenter à tout moment l’alcootest, il adorait fouiller pour savoir qui je fréquentais, ça m’a valu d’éviter pas mal de soucis.

Une fois sur la route des vacances, une voiture devant nous part sur une chicane, se soulève sur les 2 roues droites puis part en tonneau avant de prendre feu, dedans 2 adultes et 2 enfants qu’il sortira indemnes, la voiture sera entièrement détruite par les flammes, il a appelé les secours puis nous sommes repartis sur la route des vacances l’air de rien.

Sa blague préférée était de demander « comment dit-on lapin à un sourd ? » et là il hurlait le mot lapin dans les oreilles, éclaté de rire. Je crois que son humour était une soupape de sécurité et sa façon à lui de montrer ses émotions tant il ne savait pas communiquer autrement.

Quand nos parents ont divorcé, la communication est devenue difficile entre nous tous.

C’est à la naissance de mon petit garçon presque 12 ans après que j’ai tenté de ravaler mes vieilles blessures et de renouer un peu plus avec mon père. Mon petit garçon n’a vu son grand-père que 2 fois, et n’aura aucun souvenir ni aucune photo avec lui.

Le dimanche 26 Août à 21h32, je vois le nom de sa femme m’appeler, je pense que c’est une erreur, on ne se parle pas trop voir on ne se connaît pas tant que ça.

Je décroche et j’entends la voix tremblotante de la fille de sa femme qui me dit « Sandrine, c’est Leila, ton père a eu un accident de moto, il est mort » c’est tout flou pendant quelques secondes, sa femme Christiane est incapable de placer un mot, on se dit qu’on se rappelle.

Je me suis effondrée par terre sous le choc, cette impression de vide immense, brisée c’est le mot.

J’appelle mon conjoint qui est de sortie avec ses copains, qui rentre immédiatement mais le plus dur c’est qu’il faut que je prévienne mon frère qui vit à Saint Etienne et ma mère, ce que je fais sèchement.

Tout un tas de pensées me traversent, des plus sordides aux plus anciennes et là je me dis qu’il devait m’accompagner pour mon mariage, qu’il va être autopsié, que ça va durer longtemps.

Une voiture de touristes australiens a refusé une priorité certainement sans faire le forcing, juste par oubli, notre cerveau étant notre pire ennemi, je ne leur en veux même pas, c’est arrivé et c’est tout. Percuté, il a volé avant de s’écraser sur un poteau. Mort sur le coup, les secours n’ont rien pu faire et à quoi bon, mon père un légume dans un fauteuil, jamais de la vie il aimait trop bouger.

Son corps est présenté en chambre funéraire quelques jours plus tard. Le plus dur sera de rentrer, on sait que nos parents vont mourir mais pas à 52 ans quand on pète le feu. Il est sur le dos en costume de marié, les mains croisées, on dirait qu’il tape une sieste, je demande aux autres de sortir je crois qu’on a des choses à se dire tous les deux. Je lui ai demandé de se réveiller, je lui ai dit que je l’aimais, j’ai enlevé quelques poussières sur son costume et je suis partie.

Mon frère quant à lui n’a pas souhaité le voir comme ça, il voulait garder une image de son père en pleine forme et n’avait pas à se justifier, on appréhende le décès d’un proche comme on le sent.

Je suis passée sur le lieu de l’accident, et je préfère faire 20 km en plus que de passer par cet endroit. Un endroit limité à 50 km/h, un carrefour normal.

Il recevra les honneurs sur le parvis de l’Église Notre-Dame de Liesse à Annecy le vendredi 31 Août 2012 sous une pluie battante, il y a du monde et je pousse quelques personnes pour être devant, je suis sa fille, ne l’oubliez jamais.

Le 26 Octobre 2012 j’ai attendu son appel secrètement.

Je suis passée par tous les stades, de la colère, au déni à l’immense tristesse puis à nouveau par la colère et puis il faut lâcher prise à un moment et avancer.

Je suis allée sur sa tombe le mercredi 3 juillet 2013 pour la première fois quand mon fils a fait ses premiers pas parce que c’est dur d’enterrer son père, parce qu’on ne vit pas tous un décès de la même manière, parce que c’était un cap à passer. Je lui ai apporté les bonbons qu’on mangeait en voiture, des stoptout. Triangle 3, allée 8, emplacement 156, comme au camping sauf que là on ne rentre jamais à la maison.

C’est un événement terrible dans une vie, les gens s’éloignent de vous car ils ne veulent pas être confrontés à ce qui arrivera inévitablement, ce sont des mois de questionnement, de coups durs et bas, des mois de solitude où on lutte avec ses démons mais j’en tire du positif malgré tout.

Déjà nous avons hérité de son humour super pourri mais qui détend toujours l’atmosphère, grâce à lui je sais qu’aux futurs anniversaires de mon petit garçon, je pourrais construire une roue de la fortune avec une roue de vélo ça passe inaperçue, que non se cacher derrière un porte-manteaux en enfilant les vestes dessus n’est pas judicieux, qu’il ne faut pas tenter de smasher un nid de frelons à la raquette de badminton quand les frelons sont encore dedans ou que pour avoir des essuie-glace flambant neufs il suffit d’avoir un marqueur noir dans la boîte à gants.

J’ai eu un papa secret et drôle, j’ai eu un papa travailleur et orgueilleux, j’ai eu un papa sportif et bout en train, j’ai eu un papa.
Sandrine

Sources et références

Entretien avec Sandrine Bouton

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