Mémorial des policiers français Victimes du Devoir
« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »
Jean d’ORMESSON
Brigadier
Lucien MAILLARD
Victime du Devoir le 23 février 1927
Département
Paris (75)
Affectation
Police Municipale (PP) — Paris 3e
Circonstances
Contexte
Maintien de l'ordre — Service d'ordre
Au cours de la journée du lundi 12 octobre 1925, les syndicats unitaires, appuyés par le parti communiste, mirent en oeuvre un appel à la grève générale pour vingt-quatre heures, contre la décision du gouvernement d’Edouard Herriot de s’engager dans la guerre du Rif aux côtés du Royaume d’Espagne.
Cette région montagneuse située au nord du Maroc, rongée par une criminalité galopante nocive pour le commerce internationale, était effectivement la proie de conflits armés depuis quatre ans.
Si les ouvriers du bâtiment et les chauffeurs de taxi répondirent favorablement à cet appel, la démonstration fut mitigée aux abords des usines et des ateliers, où les tentatives de débauchages violentes se multipliaient ; notamment à Suresnes, Puteaux et Saint-Denis où des coups de feu furent tirés.
A Paris, un meeting était tenu par le Parti Communiste dans le quartier du Canal Saint-Martin, 33 rue de la Grange-Aux-Belles, 10e arrondissement de Paris. Un service d’ordre constitué d’une quarantaine d’agents des 3e et 10e arrdts était mis en place aux abords par la préfecture de police.
Vers 16h30, la réunion prit fin et des groupes compacts quittèrent la Maison des Syndicats. Les premiers incidents éclatèrent, notamment rue des Ecluses-Saint-Martin, où plusieurs grévistes prirent à partie des travailleurs de la Maison des Cycles et Autos Gentil. Ils molestèrent un chauffeur et son véhicule fut renversé sur la chaussée ; des projectiles furent lancés en direction des agents venus en opposition.
Près de l’impasse Chausson, l’émeute agita les grévistes. Un abri bus fut éclaté à coups de pierres ; des projectiles furent lancés sur les agents disposés en colonnes plus en retrait dans la rue, et notamment depuis les étages d’un hôtel. Un groupe de grévistes confronta les agents.
Quittant à son tour le meeting à la tête d’un groupe, le député communiste Jacques Doriot assista à la scène et décida d’aller au devant des forces de l’ordre pour s’interposer. Au terme d’un véritable pugilat, il fit alors état de son statut de député pour dénoncer une supposée arrestation arbitraire.
Arrivé en renfort à la tête d’une dizaine d’agents, le brigadier Lucien Maillard, trente-sept ans, se portait au devant du député dont la qualité lui était encore inconnue. Alors que celui-ci lui fit face, il déployait un violent coup de pied frontal au brigadier qui s’écroulait avec une vive douleur à l’abdomen.
Le député Doriot fut finalement maitrisé en même temps que plusieurs de ses camarades.
La préfecture de police dressa le bilan la journée : un gréviste tué par balle par un contremaitre à Suresnes, cinquante-et-un agents blessés (une hospitalisation) ; sur quelques trois cents interpellations, quatre-vingt-quinze arrestations étaient maintenues pour sabotages, entraves à la liberté de travail, dégradations, des violences, des outrages et des rébellions à agents.
De son côté, le brigadier blessé était transporté dans un état grave à l’hôpital Saint-Louis ; il fut visité par M. Barnaud, juge d’instruction saisi de la délicate affaire. Écroué à la prison de la Santé, le député Doriot bénéficiait cependant d’une ordonnance de mise en liberté provisoire dès le 19 octobre.
Ce dernier venait d’écoper d’une condamnation par défaut à treize mois de prison et trois milles francs d’amende pour provocation de militaires à la désobéissance.
Il déposait une plainte en retour contre X pour violences. Suivant la jurisprudence habituelle, elle fut envoyée par M. Prouharam, Procureur de la République, au préfet de police afin qu’une enquête préliminaire soit menée par le service du contrôle administratif dirigé par M. Guichard.
Le 20 janvier 1926, le député Doriot comparut devant la 11e chambre du tribunal correctionnel pour violences et voies de faits. Il fut condamné à huit jours de prison et trois cents francs d’amende. Il fut établi que le brigadier Maillard avait été frappé sans provocation, car il venait d’arriver en renfort et n’avait pas pris part aux incidents au cours desquels le député prétendit avoir été frappé.
Le 23 février 1927, alité à son domicile du 11 rue Monte-Christo après une intervention chirurgicale à l’hôpital Necker, le brigadier Maillard succombait à une péritonite aigüe, consécutivement à la blessure.
Son décès étant survenu au-delà du délai légal de quarante jours suivant l’agression, l’action publique contre le député Doriot n’était plus possible.
Biographie
Direction d'emploi
Préfecture de Police
Corps
Encadrement — Application
Type d'unité
Unité de Voie Publique — Service Général
Né le 27 juin 1888 à Saint-Denis du Béhélan, Morbois (Eure) de Eugène Honoré Maillard et Léontine Célestine Albertine Lepeintre ; époux d’Eugénie Adrienne Amigon ; père d’un garçon âgé de douze ans. Domicilié 11 rue Monte-Cristo, Paris 20e.
Engagé volontaire pour une période de cinq ans au 23e régiment d’infanterie coloniale ; campagne d’Algérie du 24 mars 1908 au 16 mars 1909.
Lucien Maillard était entré dans l’administration le 13 mars 1913, en qualité de gardien de la paix affecté au 20ème arrondissement. Il conserva son poste pendant la grande guerre. Promu brigadier, il était affecté au 3ème arrondissement.
Médaille d’or des actes de courage et de dévouement.
Sources et références
Arch. SMAC PP, série KC, photo restaurée et colorisée — Jacques Doriot par Jean-Paul Brunet, éditions Balland, 1986 — Registres des matricules militaires de l’Eure – Tome 1 (1908) (41 R 99), classe 1907, matricule 90. — Le Petit Parisien du 24/02/1927, “Un brigadier […] meurt des suites d’une blessure […] — Excelsior du 28/01/1926, “Le député Doriot condamné à huit jours de prison” — Excelsior du 21/01/1926, “Pour violences à agent, M. Doriot a comparu hier devant les juges correctionnels” — Le Petit Parisien du 21/10/1925, “Le député communiste Doriot et l’ingénieur Lafosse mis en liberté provisoire” — Le Petit Parisien du 20/10/1925, “Après la grève générale…” — Le Petit Parisien du 13/10/1925, “La grève générale de 24 heures a complètement échouée.
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