Mémorial des policiers français Victimes du Devoir
« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »
Jean d’ORMESSON
Commandant principal
Joël LE GOFF
Victime du Devoir le 04 mars 1976
Département
Haute-Garonne (31)
Affectation
CRS N°26 — Toulouse
Circonstances
Cause du décès
Homicide par arme à feu
Contexte
Maintien de l'ordre — Service d'ordre
Le 29 Décembre 1975, dans le contexte d’une crise de l’économie viticole, cinq mille professionnels bloquent le port de Sète pour faire barrage aux navires-citernes italiens et vident les cuves.
Des violentes manifestations égrainent la région : emploi d’explosifs et d’incendies sur les voies ferrées, barrages routiers improvisés sur les routes nationales, les passages à niveaux, au centre des impôts, devant certaines agences de crédit agricole,…
Le 3 mars 1976, deux viticulteurs audois sont arrêtés à leur domicile, puis transférés à Lyon en détention provisoire pour avoir participé à la mise à sac des chais du plus gros importateur de vins italiens à Meximieux (Ain). Pour certains vignerons, c’est l’occasion à saisir pour une forte mobilisation.
Dans la même soirée, le maire de Narbonne, Hubert Mouly, avertit le cabinet du ministère de l’intérieur de la gravité de la situation, et fait part de ses craintes de représailles.
Le lendemain matin, le porte-parole du comité régional d’action viticole, Michel Romain, s’adresse à un millier de viticulteurs rassemblés cours de la République à Narbonne, et leur lance un mot d’ordre : “ Tout le monde sur le pont de Montredon. Nous jurons que nous tiendrons tant que nos camarades ne seront pas libérés. “
Le lendemain, un attroupement de quelques trois milles viticulteurs se forme sur la RN 113 près de Montredon-des-Corbières (Aude) à hauteur du pont qui enjambe la voie ferrée. Ils établissent un barrage routier et ferroviaire.
Lorsqu’un train de marchandises se présente vers 14H45, il est stoppé par un groupe de viticulteurs qui s’était emparé auparavant d’une pelle mécanique et avait arraché les rails. Un second groupe met le feu à plusieurs wagons situés à l’arrière du train, une épaisse fumée noire envahit le secteur.
Dès lors, le Groupement Opérationnel des CRS désigne la CRS N°24 d’Agen et la CRS N°26 de Toulouse aux fins de disperser l’attroupement.
Les premières colonnes se forment pour mettre en place un front de charge, sous les ordres du Commandant Toussaint Siméoni de la CRS N°24. Il est en compagnie de l’officier de police judiciaire mandaté par la gendarmerie pour procéder aux sommations d’usage avant la dispersion de l’attroupement.
Soudain, des coups de feu retentissent en direction de la CRS N°26. Plusieurs hommes sont blessés par balles ou chevrotines.
Ordre est donné de se mettre à l’abri derrière les véhicules de liaisons, et de répliquer par des tirs de grenades LI, OF et BR. Mais les viticulteurs sont déterminés ; armés de façon préméditée de fusils de chasse de calibre 12, ils tirent à la chevrotine et à balles à ailettes depuis le pont et le promontoire surplombant la nationale 113. Les officiers et les conducteurs sont particulièrement visés.
Blessé un première fois à la jambe droite, le commandant Joël Le Goff, de la CRS N°26, est atteint mortellement à la tête par une balle à ailettes cal. 12 qui transperce son casque de part en part. Seul le Lieutenant Jean-Louis Yonnet de la CRS N°26, sur les quatre officiers engagés, n’a pas été blessé.
Ce dernier organise avec le Capitaine Jean-Louis Thore de la CRS N°24 la suite de l’évènement. Sous des tirs nourris, le corps meurtri du Commandant Le Goff est transporté difficilement dans un véhicule Sinpar vers l’arrière du dispositif pour être acheminé vers l’hôpital de Narbonne (voir vidéo dans les références ci-dessous).
Il s’est écoulé vingt deux minutes depuis le début des tirs des viticulteurs avant que les CRS ne répliquent finalement avec leurs armes en dotations. Un viticulteur audois d’Arquettes-en-Val est tué alors qu’il est distant de 150m du lieu de la fusillade, il s’agit d’Émile Pouytès, âgé de cinquante-deux ans. Deux autres blessés civils sont recensés.
Le bilan communiqué par bulletin d’information du Ministère de l’Intérieur est très lourd, et s’établit par 1 tué, 25 officiers, gradés et gardiens de C.R.S blessés dont 19 par balle (détails en marge).
Les ambulances étant regroupées à l’arrière du dispositif, ces derniers sont transportés directement dans les véhicules CRS (404 Break, Sinpar, car de Brigade).
Le 9 mars, les obsèques officielles du Commandant Joël Le Goff ont lieu à Toulouse dans la cour d’honneur située à la CRS N°27. Son corps est inhumé à Marseille.
On ne retrouvera jamais l’auteur du coup de feu mortel. Un seul viticulteur audois, Albert Teisseyre, est arrêté le 1er Avril 1976, et incarcéré pendant 70 jours à la prison des Baumettes à Marseille puis libéré. Il bénéficiera de la loi d’amnistie de 1981.
Biographie
Direction d'emploi
Compagnies Républicaines de Sécurité
Corps
Commandement — Officiers de police
Type d'unité
Unité de l'Ordre Public — Sécurité Routière
Titres et homologations
Citation à l'Ordre de la Nation
Né le 7 décembre 1934 à Saint-Pierre-Quilbignon (Finistère). Marié, père de deux enfants.
Entré dans l’administration le 2 novembre 1961, après près de six de service militaire dans la Marine Nationale ; il prenait le commandement de la CRS N°26 le 1er Juillet 1975. Ancien marin, pilote d’Hydravion, officier des CRS détachés à la Sécurité Civile, il a fait partie des pionniers qui ont mis en place les premiers Catalina de la Base de Sécurité Civile de Marignane où il était détaché de 1963 à 1972.
Cité à l’ordre de la Nation [1] ; nommé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur [2] ; Croix de la valeur Militaire avec citation à l’ordre du corps d’Armée ; promu Commandant principal de police (4e échelon à titre posthume ; médaille d’Honneur de la Police Nationale ; médaille d’or des actes de courage et de dévouement. Inhumé à Marseille dans une concession familiale.
Depuis 1979, chaque année le 4 Mars, les anciens de la CRS N° 26 de Toulouse déposent une gerbe au pied des stèles du Commandant Le Goff et du Viticulteur Émile Pouytès situées du part et d’autre du Pont de Montredon des Corbières. Les viticulteurs quant à eux procèdent aux mêmes gestes le dimanche qui suit immédiatement la journée du 4 Mars. Il n’y a jamais de prises de paroles.
Sources et références
BODMR n° 03 du 10/02/1977
BODMR n° 06 du 07/05/1976
[1] JORF du 09 Mars 1976, page 1525, “Citation à l’ordre de la nation”
[2] Journal officiel du 16 Mars 1976, page 1669, “Décret portant nomination à l’ordre national de la légion d’honneur”
Contributions de : Alain Crosnier, Roderic Martin ; Journal télévisé du 04/03/1976, à visionner ; Le Monde, article du 06/03/1976, “Il faut arrêter cette escalade” ; Le Monde, article du 06/03/1976, “[…] une salve éclate, un officier tombe…” ; Le Monde, article du 06/03/1976, “Les victimes” ; Un demi-siècle au service de la République, de Robert Pinaud – éd. L’Harmattan 2013 ; contributions de : Alain Crosnier, Roderic Martin
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