Mémorial des policiers français Victimes du Devoir
« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »
Jean d’ORMESSON
Commissaire
Jean PHILIPPE
Victime du Devoir le 01 avril 1944
Département
Haute-Garonne (31)
Affectation
Sécurité Publique — Toulouse
Circonstances
Cause du décès
Assassinat, exécution ou extermination
Contexte
Guerre — Terrorisme
Le 29 janvier 1943, la police secrète d’État du Troisième Reich (Geheime Staatspolizei – Ge.Sta.po) procéda à l’arrestation du commissaire de police Jean Philippe, trente-sept ans, en poste au 7e arrondissement de Toulouse (Haute-Garonne) sous l’accusation d’espionnage au profit d’une puissance ennemie.
Après l’invasion de la zone sud, en novembre 1942, le commissaire fut effectivement nommé chef de la région Toulouse-Pyrénées du réseau SR-Alliance, secteurs “Caserne” et “Clinique” sous le pseudonyme Basset et le matricule U1.
Il recrutait des agents, les formait au renseignement et en même temps, usait de sa position dans la police pour avertir les résistants des dangers qui les menaçaient, et sauva de nombreux juifs.
En janvier 1943, il reçut l’ordre d’établir la liste des juifs dans le secteur de son ressort ; il refusa d’obéir et donna sa démission à ses supérieurs en exposant sa position dans des courriers extrêmement courageux, conservés aujourd’hui aux archives départementales de la Haute-Garonne.
Il fut incarcéré à la prison de Toulouse, interrogé sous la torture ; puis transféré à la prison de Fresnes. Le 18 novembre suivant, son dossier fut transmis par la Gestapo de Strasbourg au Tribunal de guerre du Reich sous la classification “NN” (Nacht und Nebel pour “Nuit et Brouillard”)
Il fut déporté vers l’Allemagne à partir du camp de Compiègne début décembre et incarcéré à la prison de Karlsruhe puis à celle de Freiburg-im-Breisgau (Bade-Wurtemberg, Allemagne).
Traduit les 13 et 14 décembre 1943, devant le Tribunal de guerre, il fut condamné à mort ; puis transféré à la forteresse de Bruchsal (Bade-Wurtemberg, Allemagne). Le jugement fut confirmé le 27 janvier 1944 par l’amiral Max Bastian, président du Tribunal.
À l’aube du 1er avril 1944, le commissaire Philippe fut extrait de sa cellule ainsi que treize autres codétenus pour être conduit au champ de tir de la Wehrmacht, dans la forêt du Hardtwald, à Karlsruhe (Bade-Wurtemberg, Allemagne) puis fusillé à 7h06.
Les cadavres furent jetés dans une fosse commune, à l’extérieur de l’enceinte du cimetière central de Karlsruhe. En mai 1945 ils furent découverts par l’armée française et inhumés avec les honneurs militaires le 30 juin 1945 dans le cimetière français.
Le 3 juillet 1947, les corps furent à nouveau exhumés et retrouvèrent pour la plupart leur commune d’origine. Depuis le 1er avril 2014, une stèle rappelle à Karlsruhe leur sacrifice.
Biographie
Direction d'emploi
Sécurité Publique
Corps
Conception — Direction
Type d'unité
Unité d'Investigation et de Recherche
Titres et homologations
MPF - Mort pour la France
FFC - Forces Françaises Combattantes (renseignement, action et évasion)
DIR - Déporté, Interné de la Résistance
MED - Mort en Déportation
Citation à l'Ordre de la Nation
Croix de la Légion d'Honneur
Né le 14 novembre 1905 à Lyon IVe (Rhône) de Jean Marius Philippe (musicien), et de Louise Marie Cornu (lingère). Marié le 19 août 1936 à Casablanca (Maroc) avec Julie Jeanne Bouillane. Il était père d’une petite fille adoptive.
Jean Marius Louis Philippe effectua son service militaire de novembre 1925 à avril 1927 au 8e régiment de tirailleurs tunisiens (8e RTT), puis s’engagea dans les troupes coloniales en 1929 et fut envoyé en Indochine où il travailla pour le SR du 2e Bureau.
Rentré en France en 1933, il fut affecté dans un régiment de tirailleurs sénégalais, à Toulon puis muté en octobre 1934 à Casablanca (Maroc) comme administratif.
Il quitta l’armée en mars 1937 avec le grade de sous-lieutenant après avoir réussi le concours de commissaire de police. Alors en poste au Creusot en 1939, il fut mobilisé le 30 août et fait prisonnier en juin 1940, il s’enfuit et fut nommé lieutenant.
Affecté à l’automne 1940 à Lourdes, il fit déjà partie du réseau de résistance belge SABOT et contribuait au passage de citoyens belges vers l’Espagne.
Nommé à Toulouse en novembre 1941, il hébergea chez lui le chef d’un réseau belge et mit à profit sa fonction pour établir des centaines de faux papiers d’identité pour des agents belges. Il permet aussi à des scouts juifs de passer en Suisse.
Il fit alors la connaissance d’un membre du SR ALLIANCE qu’il intégra à l’été 1942, oeuvrant sous le pseudonyme “Basset” et sous la fausse identité de René Loué.
Sa lettre de démission : « Toulouse, le 15 janvier 1943. Monsieur le Commissaire Central de Toulouse,
J’ai le regret de vous rendre compte de ce que la politique actuellement suivie par notre gouvernement n’étant pas conforme à mon Idéal, je ne saurais désormais servir avec fidélité.
Je refuse – et sous mon entière responsabilité – de persécuter des israélites qui, à mon avis, ont droit au bonheur et à la vie, aussi bien que Monsieur Laval lui-même.
Je refuse d’arracher, par la force, des ouvriers français à leur famille : j’estime qu’il ne nous appartient pas de déporter nos compatriotes et que tout Français qui se rend complice de cette infamie, se nommerait-il Phillipe Pétain, agit en traître.
Je connais l’exacte signification des mots que j’emploie.
En conséquence, Monsieur le Commissaire Central, j’ai l’honneur de vous informer de ce que, par le même courrier, ma démission est transmise à Monsieur l’Intendant Régional de Police.
Permettez-moi de vous exprimer ma gratitude pour l’extrême bienveillance dont vous fîtes toujours preuve à mon égard et veuillez agréer l’expression de mon respectueux dévouement.
Signé : Phillipe ex-commissaire du 7 ème arrondissement »
Mention “Mort en déportation” par arrêté du 26 février 2013. Il fut homologué dans le grade de capitaine des Forces françaises combattantes (FFC) et “Déporté et interné résistant” (DIR), dossier GR 16 P 474235. Il fut décoré à titre posthume de la Légion d’honneur et de la Médaille de la Résistance (décret du 15/06/1946 et JO du 11/07/1946).
Le titre de “Juste parmi les Nations” lui fut attribué en 1997.
Une rue de Toulouse porte son nom ainsi que la 9e promotion de commissaires de police de 1957/1958.
Sources et références
BODMR n° 15 du 15/06/1958 — Arch. Photo d’identité restaurée et colorisée via My Heritage — Policier sous Vichy : obéir, résister ? par Michel Salager – SLHP — Le Maitron, notice de Jean-Louis Ponnavoy
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