Mémorial des policiers français Victimes du Devoir
« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »
Jean d’ORMESSON
Commissaire de police
Jean PHILIPPE
Victime du Devoir le 01 avril 1944
Département
Haute-Garonne (31)
Affectation
Sécurité Publique — Toulouse
Circonstances
Cause du décès
Assassinat, exécution ou extermination
Contexte
Guerre — Terrorisme
A l’aube du 29 janvier 1943, plusieurs agents de la police secrète d’État du Troisième Reich (Geheime Staatspolizei – Ge.Sta.po) entraient dans le village de Beaumont-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne), munis d’une adresse récupérée sur un papier porté par un agent de liaison de la Résistance imprudent, et qu’ils venaient d’intercepter.
Ils procédèrent à l’arrestation de Jean Philippe, trente-sept ans, ex commissaire de police démissionnaire en poste au 7e arrondissement de Toulouse, et résistant recherché sous l’accusation d’espionnage au profit d’une puissance ennemie. (voir biographie)
Il fut incarcéré à la prison de Toulouse, et atrocement torturé durant de longs interrogatoires, puis transféré successivement dans les prisons de Fresnes (ex Seine), Royallieu (Oise) d’où il fut déporté vers l’Allemagne à Karlsruhe puis Freiburg-im-Breisgau.
Traduit les 13 et 14 décembre 1943 devant le Tribunal de guerre allemand, il fut condamné à mort, et transféré à la forteresse de Bruchsal.
À l’aube du 1er avril 1944, Jean Philippe fut extrait de sa cellule, ainsi que treize codétenus, et fusillé sur le champ de tir de la Wehrmacht, dans la forêt du Hardtwald, à Karlsruhe.
Les suppliciés furent jetés dans une fosse commune, à l’extérieur de l’enceinte du cimetière central de Karlsruhe.
En mai 1945 ils furent découverts par l’armée française et inhumés avec les honneurs militaires le 30 juin suivant dans le cimetière français.
Le 3 juillet 1947, les corps furent à nouveau exhumés et retrouvèrent pour la plupart leur commune d’origine. Depuis le 1er avril 2014, une stèle rappelle à Karlsruhe leur sacrifice.
Biographie
Direction d'emploi
Sécurité Publique
Corps
Conception — Direction
Type d'unité
Unité d'Investigation et de Recherche
Titres et homologations
MPF - Mort pour la France
FFC - Forces Françaises Combattantes (renseignement, action et évasion)
DIR - Déporté, Interné de la Résistance
MED - Mort en Déportation
Citation à l'Ordre de la Nation
Croix de la Légion d'Honneur
Né le 14 novembre 1905 à Lyon IVe (Rhône) de Jean Marius Philippe (musicien), et de Louise Marie Cornu (lingère). Marié le 19 août 1936 à Casablanca (Maroc) avec Julie Jeanne Bouillane. Le couple avait une fille adoptive.
Jean Marius Louis Philippe effectua son service militaire de novembre 1925 à avril 1927 au 8e régiment de tirailleurs tunisiens (8e RTT), puis s’engagea dans les troupes coloniales en 1929 et fut envoyé en Indochine où il travailla pour le « 2e bureau » d’un état-major dans l’Armée française, service chargé de l’analyse du renseignement.
Rentré en France en 1933, il fut affecté dans un régiment de tirailleurs sénégalais, à Toulon puis muté en octobre 1934 à Casablanca (Maroc) comme administratif.
Il quitta l’armée en mars 1937 avec le grade de sous-lieutenant après avoir réussi le concours de commissaire de police.
Alors en poste au Creusot à la déclaration de la guerre, il fut mobilisé le 30 août 1939 et fait prisonnier en juin 1940, il s’évadait et fut promu lieutenant.
Après la défaite, il fut affecté à Lourdes, et se rapprochait du réseau de Résistance belge « SABOT », contribuait au passage de citoyens belges vers l’Espagne.
Nommé à Toulouse en novembre 1941, il hébergea chez lui le chef du dit réseau et mit à profit sa fonction pour établir des centaines de faux papiers d’identité pour des agents belges. Il permit aussi à de nombreux juifs de passer en Suisse.
Après l’invasion de la zone sud, en novembre 1942, il fut nommé chef de la région Toulouse-Pyrénées du « SR-Alliance », secteurs « Caserne » et « Clinique » sous le pseudonyme « Basset » et le matricule « U1 ».
Il recrutait des agents, les formait au renseignement et en même temps, usait de sa position dans la police pour avertir les résistants, réfractaires et populations traquées des dangers qui les menaçaient.
En janvier 1943, il reçut l’ordre d’établir la liste des juifs dans le secteur de son ressort ; il refusa d’obéir en exposant sa position dans des courriers extrêmement courageux à ses supérieurs, conservés aujourd’hui aux archives départementales de la Haute-Garonne.
Il obtenait l’accord de Marie Madeleine Méric (Fourcade), cheffe de « L’Alliance », de remettre sa démission lourde de conséquence, adressée le 15 janvier 1943 au commissaire central de Toulouse.
J’ai le regret de vous rendre compte de ce que la politique actuellement suivie par notre gouvernement n’étant pas conforme à mon Idéal, je ne saurais désormais servir avec fidélité. Je refuse – et sous mon entière responsabilité – de persécuter des israélites qui, à mon avis, ont droit au bonheur et à la vie, aussi bien que Monsieur Laval lui-même. Je refuse d’arracher, par la force, des ouvriers français à leur famille : j’estime qu’il ne nous appartient pas de déporter nos compatriotes et que tout Français qui se rend complice de cette infamie, se nommerait-il Phillipe Pétain, agit en traître. Je connais l’exacte signification des mots que j’emploie. En conséquence, Monsieur le Commissaire Central, j’ai l’honneur de vous informer de ce que, par le même courrier, ma démission est transmise à Monsieur l’Intendant Régional de Police. Permettez-moi de vous exprimer ma gratitude pour l’extrême bienveillance dont vous fîtes toujours preuve à mon égard et veuillez agréer l’expression de mon respectueux dévouement.
Mention “Mort en déportation” par arrêté du 26 février 2013. Il fut homologué dans le grade de capitaine des Forces françaises combattantes (FFC) et “Déporté et interné résistant” (DIR), dossier GR 16 P 474235. Il fut décoré à titre posthume de la Légion d’honneur et de la Médaille de la Résistance (décret du 15/06/1946 et JO du 11/07/1946).
Le titre de “Juste parmi les Nations” lui fut attribué en 1997.
Une rue de Toulouse porte son nom ainsi que la 9e promotion de commissaires de police de 1957/1958.
Sources et références
BODMR n° 15 du 15/06/1958 — Arch. Photo d’identité restaurée et colorisée via My Heritage — Policier sous Vichy : obéir, résister ? par Michel Salager – SLHP — Le Maitron, notice de Jean-Louis Ponnavoy
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