Mémorial des policiers français Victimes du Devoir
« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »
Jean d’ORMESSON
Sous-Brigadier — Gardien
Jean FARGEAS
Victime du Devoir le 30 avril 1935
Département
Seine-St-Denis (93)
Affectation
Police Municipale (PP) — Les Lilas
Circonstances
Cause du décès
Homicide par arme à feu
Contexte
Maintien de l'ordre — Service d'ordre
Dans la soirée du lundi 30 avril 1935, une réunion du parti néo-socialiste se tenait sous les préaux de l’école située N°172 rue Sadi-Carnot à Bagnolet (ex Seine ; Seine-Saint-Denis), dans le contexte houleux des élections municipales.
Depuis près d’un mois, dans cette commune emblématique de la ceinture rouge, nombre de réunions se soldaient par des rixes opposant les militants communistes aux néo-socialistes, dont la formation, qualifiée de fasciste, était le résultat d’une scission de la section française de l’internationale ouvrière.
Le premier adjoint au maire communiste qui s’était opposé à la tenue de la réunion, accepta finalement de céder les lieux. Cependant, une foule hostile évaluée à près de trois milles militants communistes s’était déjà rassemblée devant l’école.
Deux services d’ordre furent commandés en conséquence par la préfecture de police, sous les ordres du commissaire Brunel du commissariat des Lilas, aidé de son secrétaire, M. Jallais.
Un groupe fut chargé de contenir les manifestants à distance de l’école, l’autre de filtrer et libérer le passage aux personnes munies d’une invitation pour accéder à à la réunion. Un peloton de la garde mobile se tenait en réserve.
Alors que la réunion venait de débuter, une mêlée furieuse força le passage sous une grêle de coups et de projectiles, un premier coup de feu tiré en l’air retentit, suivi d’une dizaine d’autres tirés de part et d’autre.
La garde mobile chargea aussitôt et dégagea rapidement les issues. Douze blessés graves restèrent au sol. Parmi les victimes, le sous-brigadier Jean Fargeas, quarante-sept ans, qui tenait la position sur le côté du trottoir tenu par les manifestants communistes, fut mortellement blessé à la tête par un projectile de calibre 6,35mm.
Cinq autres agents dont trois en uniformes furent blessés par balles. Aucune interpellation ne fut maintenue ; des couteaux, des poings américains et une importante quantité de matraques fut découverte abandonnée au sol ou dans des annexes de l’école.
Au cours de leurs constatations matérielles, les policiers découvraient également deux revolvers dégarnis dissimulés dans les chasses d’eaux des toilettes de l’école.
La difficile enquête fut dirigée par M. Bru, juge d’instruction, et menée par la brigade spéciale de la police judiciaire sous l’égide du commissaire divisionnaire Guillaume.
Elle aboutit à l’interpellation de deux individus recrutés pour 30 francs la journée dans l’environnement électoral de Decharme pour “assurer la police de la salle” : Louis Verecchia, trente-trois ans et Lucien Everlin, trente-deux ans, lequel figurait parmi les blessés.
Tous deux étaient très défavorablement connus des services de police et placés sous mandat de dépôt à La Santé pour meurtre et tentatives de meurtres.
Les expertises menées sur l’une des armes de poing découvertes sur la scène de crime permirent de confondre Everlin comme étant l’auteur d’un coup de feu. Des témoignages démontrèrent que Verecchia, agissant comme recruteur de nervis pour des meeting électoraux, aurait contribué à armer d’autres éléments et donné l’ordre de tirer sur leurs assaillants et le service d’ordre policier faisant opposition.
Toutefois, les constatations démontraient qu’au moins trois armes de poing de même calibre furent utilisées ; les douilles étaient retrouvées du côté du service d’ordre improvisé par les néo-socialistes mais également du côté des manifestants.
Le 15 mai 1937, la cour d’assises de la Seine condamna Everlin à deux ans de prison pour port d’arme prohibée et violences volontaires ; Verecchia écopa d’un an pour les seules violences.
Everlin avait effectivement reconnu devant le jury avoir tiré en l’air pour décourager les assaillants communistes, mais il ne put être indiscutablement établi que le coup de feu mortel tuant l’agent Fargeas avait été tiré par l’une ou l’autre partie s’affrontant le soir du 30 avril.
Le 18 décembre 1938, Verecchia fut abattu de neuf balles au bar de La Rotonde, rue de la Roquette, dans le cadre manifeste de ses activités de proxénète.
Le meurtrier de l’agent Fargeas n’a jamais été identifié et condamné.
Biographie
Direction d'emploi
Préfecture de Police
Corps
Encadrement — Application
Type d'unité
Unité de Voie Publique — Service Général
Né le 11 juin 1887 à Saint-Yriex-le-Déjalat (Corrèze) de Léonard Fargeas et Catherine Hussière ; époux de Jeanne Dupeyrol ; père de deux enfants ; domicilié n°22 Rue Bernard aux Lilas.
Jean Fargeas était entré dans l’administration le 1er décembre 1921 comme gardien de la paix affecté aux Lilas, promu sous-brigadier en 1933. Excellents états de service.
Médaillé de la croix de guerre, étoile de bronze, titulaire de trois citations à l’ordre du régiment. “Modèle de calme et de sang-froid, a assuré le 22 juin 1917 la liaison entre les unités voisines par un boyau particulièrement battu par l’artillerie ennemie. A été blessé deux fois.”
Dégagé de ses obligations militaires avec le grade de sergent après une période de quatre ans passé en campagne contre l’Allemagne au 100e régiment d’infanterie.Médaillé d’or des actes de courage et de dévouement.
Sources et références
Registre des matricules de la classe 1907 du bureau de Tulle, matricule n°677 — Le Populaire du 19/09/1938, “Un souteneur abattu de 9 balles par des inconnus” — Le Populaire du 18/05/1937, “Comment expliquer le verdict du procès de Bagnolet ?” — Le Matin du 24/11/1935, “Le meurtre de l’agent Fargeas: l’enquête établit que le coup de feu fut tiré par Everlin” p.6/10 — Le Matin du 29/06/1935, “Le meurtre de l’agent Fargeas: 2 militants néo-socialistes sont arrêtés” p.6/10 — Le Populaire du 28/06/1935, “La capture de l’un des meurtriers de l’agent Fargeas” p.3/6 — Le Petit Parisien du 04/05/1935, “Les obsèques du sous-brigadier Fargeas ont eu lieu hier au Lilas” p.7/12 — Le Populaire du 02/05/1935, “Comment les néo font leur campagne électorale” p.1/6Le Matin du 02/05/1935, “La sanglante bagarre de Bagnolet : l’enquête établit la responsabilité des communistes”, p.7/10 — Le Petit Parisien du 01/05/1935, “Coups de feu à l’entrée d’une réunion électorale à Bagnolet” p.1/10 Le Petit Journal du 01/05/1935, “La réunion tragique de Bagnolet”, p. 1-3/10.
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