Mémorial des policiers français Victimes du Devoir

« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »

Jean d’ORMESSON

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Sous-Brigadier — Gardien

Lionel PUIRAVAUD

Victime du Devoir le 21 juin 1996

Département

Charente-Maritime (17)

Affectation

CRS N°19 — La Rochelle

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Circonstances

Cause du décès

Accident de voie publique, de trajet, aérien ou naval

Au cours de la journée du mercredi 19 juin 1996, alors qu’un peloton de la Compagnie Républicaine de Sécurité N°19 de La Rochelle (Charente-Maritime) assurait l’escorte d’un transport exceptionnel le gardien de la paix motocycliste Lionel Puiravaud, quarante-quatre ans, fut victime d’un accident de voie publique.

Transporté dans un état grave au centre hospitalier de Poitiers, il succombait deux jours plus tard.

Biographie

Direction d'emploi

Compagnies Républicaines de Sécurité

Corps

Encadrement — Application

Type d'unité

Unité de l'Ordre Public — Sécurité Routière

Spécialité

Unité Motocycliste

Né le 28 mars 1951 à Royan (Charente-Maritime). Marié, père d’un enfant.

Un texte écrit par sa fille Carole :

C’était un 19 Juin en 1996 ; je n’étais alors âgée que de treize ans ; je m’apprêtais à déjeuner avec ma grand-mère qui était à la maison à cette époque. Mon steak haché purée du « Mercredi » n’attendait que moi lors qu’à 12 heures 35, le téléphone retentit…

Avec ma spontanéité de petite fille j’ai bondi sur le téléphone, pensant qu’il pouvait s’agir d’une copine qui me proposerait un programme pour l’après-midi ; il n’en était rien… Une voix masculine au ton grave souhaitait s’adresser à un adulte. Il s’agissait du travail de Papa… de la CRS 19. Ma curiosité et ma désinvolture de pré-adolescente me poussaient à insister pour ainsi en savoir davantage.

Ma Grand mère était pourtant à côté : “si c’est le travail de Papa, je peux prendre le message” lui dis-je. J’apprenais alors que Papa s’était fait « heurter » par un véhicule. Je comprends aujourd’hui cet homme, ce collègue qui lui, savait ce qu’il se passait réellement mais qui faisait face à ma spontanéité et aussi à la rude tâche qui lui incombait…

En ce qui me concerne, je compris que Papa devait avoir une jambe cassée, et lui passait finalement ma Grand-Mère. Un véhicule de la Police Nationale vint nous chercher toutes deux à la maison afin de nous accompagner au Centre Hospitalier de La Rochelle où il avait été transporté…

L’attente fût longue dans ma tête avant de voir arriver ma Maman qui travaillait à une heure de là. Elle franchit les portes automatiques de ce grand hall d’accueil ; les yeux rouges et remplis de larmes, le visage marqué par la brutalité et douleur.

Aujourd’hui je le comprends, mais à cette époque là et à ce moment précis je me disais » Pourquoi est elle aussi triste ? Il ne s’agit que d’un accident, il en a eu d’autre Papa des accidents ; il aura un plâtre ; nous n’irions peut-être pas à la pêche comme prévu le week-end suivant ; encore que… il était tellement fort Papa.

Le visage de ma grand-mère était livide. Ses traits se durcissaient les heures avançant. Elle tentait cependant de masquer ses émotions, comme pour me préserver.

Maman, quant à elle, rencontrait les médecins mais ne me dis rien sur le moment. Je comprends également aujourd’hui pour quelle raison : elle voulait tout simplement protéger son « bébé ». Papa resterait à l’hôpital pour la nuit, mais pas à La Rochelle ; à Poitiers. Je dormais avec ma Maman cette nuit là ; elle se blottissait tout contre moi et je pouvais sentir ses larmes chaudes sur moi. Elle passait la nuit entre le téléphone et moi pour me couvrir de bisous.

Le lendemain, le 20 Juin, elle me confiait à une copine et sa maman : « Chouette me disais-je ! Et après demain, pêche avec Papa ! » Je dormais donc chez cette amie et réintégrais la maison le vendredi en fin de journée.

En franchissant le pas de la porte d’entrée le vendredi 21 Juin au soir, je vis des membres de la famille. Certains que je n’avais pas vus depuis très longtemps. Ils étaient vêtus de noir et les yeux rivés vers le sol quand je lançais naïvement « quand est-ce qu’il revient Papa ? »

C’est ma tante Babeth, la sœur de Papa, qui me prit la main et m’emmena dans la chambre qui jouxtait notre salon. Elle me dit alors, les yeux larmoyant de tristesse et la voix tremblante de désespoir que mon Papa ne reviendrait pas… que c’était fini… Elle me prit dans ses bras et me serrait de toute ses forces pour tenter d’apaiser ma douleur que j’exprimais par des hurlements. Ils raisonnent encore dans ma tête.

Papa était parti ce jour là, en convoi exceptionnel avec son collègue de la CRS 19. Ils partaient de La Rochelle en direction de Saint-Nazaire pour le convoi d’une pièce d’Airbus. Leur mission consistait à réguler la circulation en mouvement et ainsi faciliter
l’accès de cette gigantesque pièce et assurer la sécurité des usagers.

C’est un camion qui croisait sa route qui l’emportait à tout jamais loin de nous sans que l’on puisse lui dire Adieu et surtout combien on l’aimait. Papa, était alors âgé de 45 ans.

Il s’était battu deux jours durant puisque son accident survenant le 19 Juin, il succombait à ses blessures le 21 Juin de cette maudite année 1996 ; le jour de l’été… Tout comme Coluche… » Putain d’camion »… Jusqu’au bout il s’était battu, en vain. Il était comme ça Papa : un battant. C’était le plus fort.

Un hommage officiel lui était rendu dans la cour de la CRS 19. Tous les effectifs étaient présents à cette cérémonie, en tenue. C’était impressionnant depuis mes yeux vieux de treize printemps. Tous ses collègues lui rendaient un dernier hommage.

J’assistais avec tous les membres de ma famille, à ce dernier au revoir, devant le cercueil de mon si gentil et si fort Papa, recouvert du drapeau Français… La musique retentissait dans la cour. Ma famille, mais aussi ses collègues l’accompagnèrent jusqu’à sa dernière demeure.

Ce sont ses collègues et amis de la formation motocycliste qui le portèrent… Je lisais leur tristesse mais aussi leur pudeur dans leur yeux alors qu’ils disaient au revoir à Lionel… Je ne pus serrer une dernière fois mon Papa dans les bras et lui dire « je t’aime » tant il aurait été choquant que je le vois après son accident… appareillé. C’est donc à treize ans que je compris l’importance de dire « je t’aime » aux gens de leur vivant.

Depuis lors, j’essaie tant bien que mal de suivre les traces de mon papa et « avec mes petits bras » comme il le disait si souvent, de reprendre le flambeau.

Après s’être engagé dans l’armée en tant que Parachutiste, et dans ce contexte, il partait en campagne au Tchad. A son retour, il s’engageait dans la Police Nationale et rejoint rapidement la section motocycliste, comme il en avait toujours rêvé. Après 22 ans de service en région parisienne, notamment en BSN ancêtre de la BAC Départementale, il
pensait enfin pouvoir aspirer à un peu plus de quiétude en regagnant sa région natale, La Charente Maritime.

Du haut de mes treize ans, je ne le connu qu’en tant que « papa poule » me préservant de tout, car oui, « il ne fallait pas me toucher » me confiait ma mère par la suite. Il était comme ça Papa, protecteur… Ma famille, ses amis et collègues me le décrivait par la suite comme quelqu’un de farceur, toujours le sourire aux lèvres, d’assez « gonflé » et aussi très courageux. Il luttait contre le crime et le délit avec conviction et ne reculait devant rien : « un sacré tempérament ».

La veille du drame, nous nous étions promenés avec ma grand mère sur le port de La Rochelle. J’avais pu y voir un père heureux, en pleine discussion avec des marins-pécheurs russes. Ils communiquaient avec les mains et un franco-russe improvisé !!

La passion de Papa, outre la moto, était la pêche. Il avait acquis une coque de bateau dégradée durant une tempête. L’avant de ce bateau était donc cassé, je me souviens qu’il voulait nommer ce bateau « nez en moins » ! Il s’était affairé une année durant à réparer ce bateau à la résine sur ses jours de repos.

Ce fameux mardi, veille de l’accident, il venait de recevoir le moteur qu’il avait acheté. Nous devions mettre le bateau à l’eau le week-end suivant, mais le destin en a décider autrement…

Je suis aujourd’hui âgée de trente ans, titulaire du permis moto, parachutiste et surtout Policier : Gardien de la Paix… Quelle jolie appellation….

Chaque jour que Dieu fait, Papa, je tâche de te rendre hommage à ma façon ; le plus dignement possible car tu es difficilement égalable. Tu étais un Papa extraordinaire. Ta gentillesse et ta bienveillance de Papa m’ont rudement manqué tout au long de ces années… pour tout te dire, c’est toujours le cas. Tu peux être très très fier de Maman. Elle a assuré comme un chef « et c’est chiant les chefs » (rires) ; je me souviens t’avoir entendu dire ça sur le ton de la rigolade !

Sache bien une chose, j’ai toujours été très bien entourée par notre famille et par ta seconde famille qui est aussi devenue la mienne. Comment aurait-il pu en être autrement en passant mes après-midi à la base de loisir de Cergy avec les CRS à moto ou encore au commissariat ?

Je te remercie de l’éducation que tu m’as donnée, des valeurs que tu m’as transmises, de ce que tu étais et aussi de ce que tu n’étais pas.

Je suis fière de toi Papa. Le sang qui coule dans mes veines est le tien et je tâcherai, jusqu’à mon dernier souffle d’en être digne.

Ta fille Carole.

Sources et références

Crédit photo : Carole Puiravaud (DR)

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  1. Merci beaucoup pour votre bien douce pensée 🙏🥺💗

  2. Carole, j’ai 3 ans de moins que ton papa. J’étais CRS en 74 à la CRS 2 sûrement en même temps que ton papa lui en région parisienne. Tu lui rends le plus beau hommage à ton papa que j’ai lu. Il doit être fier de toi et il le peut. Je te pose une bise sur ton front et sois prudente au travail, c’est ce que te dirais sûrement ton père. Un collègue à la retraite.

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