Mémorial des policiers français Victimes du Devoir
« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »
Jean d’ORMESSON
Inspecteur
Jean DONATINI
Victime du Devoir le 27 juin 1975
Département
Paris (75)
Affectation
Direction de la Surveillance du Territoire (DST)
Circonstances
Cause du décès
Assassinat, exécution ou extermination
Contexte
Guerre — Terrorisme
Au cours de la journée du vendredi 27 juin 1975, la Direction de la Surveillance du Territoire enquête sur l’environnement d’un suspect libanais âgé de vingt-cinq ans : Michel Moukharbal, lequel s’est présenté comme un sympathisant de la cause palestinienne. Il est effectivement fiché comme agent de liaison du Front Populaire de Libération de la Palestine.
Au milieu des années 70, le terrorisme pro-palestinien s’est intensifié et s’exporte sur les territoires européens. Plusieurs attentats ont déjà frappé le territoire français ; parmi les plus marquants : une attaque à la grenade au drugstore Publicis à Saint-Germain-des-Prés (6 morts, 22 blessés) et deux tentatives de destruction d’avions d’une compagnie israélienne de transport aérien à l’aéroport d’Orly par des tirs de lance-roquette (23 blessés).
Le commissaire principal de police Jean Herranz, cinquante-deux ans, chef de l’unité, tient à vérifier l’information que vient de lui livrer Moukharbal, alors placé sous le régime de la garde à vue depuis plusieurs jours. Il serait en mesure d’indiquer où se trouve un intermédiaire non identifié avec lequel il complote depuis deux semaines. Il logerait temporairement au 9 rue Toullier dans le 5ème arrondissement de Paris ; l’appartement serait loué par des étudiantes vénézuéliennes.
Le commissaire demande l’assistance de deux agents sur le point de prendre congé : l’inspecteur divisionnaire Raymond Dous, cinquante-quatre ans, et l’inspecteur Jean Donatini, trente-quatre ans. Habitués à une discrétion des plus ultimes, ils quittent l’antenne de la rue des Saussaies avec Moukharbal, dépourvus de moyens radios et sans leurs armes de service.
Sur place Rue Toullier, vers neuf heures et demi du soir, l’inspecteur Dous reste avec Moukharbal dans le véhicule administratif tandis que les deux autres policiers gagnent les étages.
Une soirée alcoolisée a commencé et de la musique latine émane de l’appartement.Le contact recherché serait un jeune étudiant vénézuélien fraîchement débarqué de Londres, Carlos Martinez-Torres ; identité qui s’avèrera fausse.
Personne ne soupçonne qu’il s’agit d’un terroriste très engagé, muni de faux documents, et qui a bénéficié d’un solide entrainement.Avec de nombreux amis, ce dernier vient de fêter le départ d’une colocataire pour Caracas.
Lorsque la sonnette retentit, les occupants du studio restent incrédules devant les policiers. Profitant de l’hébètement, Carlos passe à la salle de bain et s’empare d’un pistolet russe Tokarev, calibre 7,65 qu’il dissimule dans le col de sa chemise.
Les policiers sortent deux photos issues de surveillances sur lesquelles apparaissent le mystérieux contact pris de profil en compagnie de Moukharbal.Le commissaire Herranz observe Carlos, dont le visage est très ressemblant.
Palpé sommairement, le jeune homme feint l’ignorance et élude intelligemment les questions. Le commissaire demande à son collègue d’aller chercher Moukharbal pour une confrontation ultime.Quelques instants plus tard, l’indicateur fait son entrée et désigne aussitôt du doigt Carlos.
A la surprise générale, Carlos saisit le Tokarev, tire à bout portant sur les policiers à hauteur des visages et exécute Moukharbal. Le terroriste abandonne les convives stupéfaits et les corps agonisants de ses victimes pour prendre la fuite.
D’importants renforts de police convergent et figent la scène de crime. Tous les occupants du studio sont interpellés et emmenés à la brigade criminelle pour interrogatoires. Seul le commissaire Herranz, atteint dans la région du cou, va survivre.
De découvertes en arrestations, les policiers remontent les ramifications du tueur qui opère à l’époque en Europe pour le compte du FPLP avec le soutien du KGB et de pays dans l’orbite communiste.Le 6 juillet, Scotland Yard identifie l’homme que les enquêteurs ont de fait baptisé Carlos : il s’agit d’un vénézuélien nommé Ilitch Ramirez-Sanchez, vingt-six ans ; fils d’un riche avocat, idéologue marxiste.
Les policiers perquisitionnent un appartement au 11 rue Amélie, dans le 7ème arrondissement de Paris, adresse figurant sur un talon de chèques de Moukharbal. L’occupante des lieux, de nationalité colombienne, confirme le passage de Carlos chez elle, dans la nuit du 27 juin. Il y a téléphoné à Londres et écrit plusieurs lettres. Dans l’appartement, les policiers mettent la main sur un important stock d’armes et de faux documents ; une dizaine de pistolets, de la dynamite, du plastic, et une trentaine de grenades.
Le laboratoire de la préfecture les examine, et conclut que les bouchons allumeurs de certaines grenades sont du même type que ceux retrouvés à l’aéroport d’Orly lors de l’attentat du 19 janvier 1975. Une grenade américaine M26 correspond au lot de celle utilisée lors de l’attentat du drugstore Saint-Germain-des-Prés le 15 septembre 1974. Quatre grenades du même lot ont été abandonnées après une prise d’otage à l’ambassade de France à La Haye le même jour. Le lien avec Carlos est donc établi.
Après une traque longue d’une vingtaine d’années, le mercenaire du terrorisme international est repéré à Khartoum par les services du renseignement ; le 14 août 1994, avec l’accord du gouvernement soudanais et l’appui du Ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, les agents de la D.S.T. le capturent dans un cabinet médical, où Carlos avait programmé une opération de chirurgie plastique destinée à modifier radicalement son apparence physique. Le lendemain, il atterrit à Villacoublay sous très bonne escorte.
Carlos purge toujours une double condamnation à la perpétuité à la maison centrale de Saint-Maur.
Biographie
Direction d'emploi
Sécurité Publique
Corps
Inspecteurs — Enquêteurs
Type d'unité
Unité d'Investigation et de Recherche
Titres et homologations
Citation à l'Ordre de la Nation
Né le 26 avril 1941 à Reims (Marne) de Cézar Donatini et Adèle Lamori ; marié à Jocelyne Moutardier ; père d’un enfant.
L’inspecteur de police Jean Donatini est entré dans la police en 1965 comme gardien de la paix. Après avoir réussi le concours d’inspecteur, il rejoignait la Direction de la Surveillance du Territoire ; décrit comme un policier dynamique, courageux et solide, il y officiait depuis deux ans.
Cité à l’ordre de la Nation, une place porte désormais son nom à Reims, sa ville natale.
Sources et références
BODMR n° 06 du 01/04/1975
“J’ai choisi la D.S.T., souvenirs d’un inspecteur” de Pierre Levergeois (1978) — “Dans les coulisses de la lutte anti-terroriste” de Georges Moréas, éd. First Document, 2016. — Le Monde du 30/03/1975, “2 terroristes sud-américains tuent 2 inspecteurs et blessent un commissaire de la DST” — Le Monde du 01/07/1975, “Le ministère de l’intérieur met en cause un réseau international de terroristes” — Le Monde du 02/07/1975, “M. Poniatiwski : nous ne céderons devant aucune violence” — Le Nouvel Obs du 07/07/1975, page 28, “Carlos qui ?” — Libération du 12/12/1997, “25 Juin 1975: trois morts rue Toullier à Paris. Un carnage signé Carlos” — Le Figaro du 07/08/2008, “Carlos, tueur sans frontières” —
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